Les temps ont changé, enfin surtout celui que l'on a pour faire nos courses. Les confinements et couvre-feu ont secoué nos façons de consommer et participé à l’émergence de nouvelles habitudes. Les marques comme les startups cherchent des solutions pour répondre à ces nouvelles tendances.
Désormais, tout achat devient possible et disponible tout le temps, pour tout le monde, sans effort et sans déplacement. Et c’est désormais aussi le cas pour la livraison de courses dans les grandes villes. Cela est rendu possible par les nouveaux acteurs du quick commerce.
Pour mieux comprendre son fonctionnement nous avons choisi de nous intéresser à un levier majeur du modèle du quick service : le dark store.
Nous avons discuté du sujet avec plusieurs Manager du Réseau & Talents Avizio dans le secteur de la foodtech.
Ce qui aurait pu être un magasin physique classique est désormais transformé en entrepôt. Cela peut se rapprocher d’un épicier de quartier mais la comparaison s’arrête là. En effet, on ne peut pas y entrer et le seul moyen d'acheter ce qu'il y a dedans c'est de passer par une app.
Façon supérettes, ces entrepôts sont situés au cœur des grandes villes en pied d’immeubles, où les coursiers récupèrent et livrent les commandes avec une mobilité douce (livraison à pied, à vélo, ou véhicule électrique).
Un lancement de dark store réussi tient en plusieurs points clé :
On l’a compris, la valeur ajoutée de la fast delivery c'est d'avoir un réseau de dark store bien placés permettant de livrer ultra rapidement les produits demandés. L'emplacement au sein des villes est l'enjeu numéro un, celui sur lequel tout se joue.
“Chez Flink, on distribue et livre tous les produits du quotidien en 10 minutes et à prix supermarché. Le succès logistique repose sur les “dark stores” : un réseau d’entrepôts situés au cœur de chaque quartier, à Paris et en banlieue, dont l’emplacement a été minutieusement choisi pour que chaque Parisien habite, sans le savoir, à moins de 10 minutes à vélo d’un entrepôt.” Charles d’Harambure, ex DG France Flink.
L’atout différenciant des livraisons que l’on connaît par les distributeurs classiques tels que Carrefour ou Leclerc c’est une supply chain plus agile et réactive.
Ainsi qu’une livraison en un temps record en dehors des horaires d'ouverture traditionnelle des points de vente physiques.
La fast delivery fonctionne grâce à des opérations millimétrées, la data est au service de l'organisation. L’organisation des produits joue un rôle très important. Généralement, ces entrepôts sont cartographiés et aménagés en fonction des besoins (produits les plus commandés, saisonnalité…).
Chez Cajoo, grâce aux formations et à l'optimisation du parcours, les opérateurs (aussi appelés piquées) connaissent l'entrepôt au bout de 20 minutes, ce qui permet de réduire le temps de préparation des commandes.
Au-delà de l'organisation il y a aussi l'approvisionnement qui est un élément clé.
L'analyse des datas est vraiment centrale pour leur permettre d'affiner leur connaissance clients et ajuster leur process.
Le dernier point c'est l’humain. Si le quick commerce repose sur un réseau de dark store ultra-optimisé, l’humain est finalement la clé qui unit le tout. Bien situés et bien organisés avec une logique parfaite, il faut des managers, des opérateurs pour faire fonctionner comme il le faut ces dark stores.
Pour Cajoo, l’organisation est ficelée selon les postes suivants :
- le regional manager
- le hub manager gère 3 ou 4 entrepôts
- le hub lead gère 1 seul entrepôt
- le pilote est référent du hub Lead et assure l’ouverture du dark store
- l’opérateur prépare les commandes
- et enfin le livreur en bout de chaîne.
Du côté de chez Flink, qui a déjà ouvert 50 dark store en Allemagne, en France et aux Pays-Bas, l'organisation se rapproche de celle du retail.
Les équipes de Flink sont constituées principalement de category manager. Ils sélectionnent, achètent et organisent les 2500 références qui sont présentes sur l’application.
Il doit développer la catégorie de produit dont il est spécialisé. Ses missions sont très variées : analyse du business et des indicateurs clés, recommandations catégorielles des assortiments, gestion et le suivi des stocks.
Sans oublier la préparation des recommandations merchandising pour la lisibilité de l’app, la gestion et suivi des différents réassorts ou encore le référencement des nouveaux produits et le respect de la qualité fraîcheur.
Si les organisations diffèrent, la problématique reste identique pour tous les acteurs du secteur : réussir à suivre la forte croissance grâce à des recrutements efficaces et rapides.
Les acteurs du quick commerce ont tous réalisé d’importantes levées de fonds pour réussir à conquérir et devenir leader sur ce marché ultra-concurrentiel.
L’enjeu du recrutement est absolument crucial car il est certain que la bataille sera gagnée par celui qui aura réussi à se structurer le mieux et le plus vite possible.
Si chaque acteur a sa propre organisation, le livreur reste pour tous un maillon central et stratégique.
En promettant une livraison en moins de 15 minutes, les opérateurs de dark stores ont fait de la livraison un vrai cheval de bataille.
Pour tenir cette promesse, plusieurs possibilités cohabitent :
Évidemment, tout cela nécessite l’adoption de solutions dédiées à la gestion des livraisons. La mise en place d’itinéraires optimisés est par exemple un prérequis.
Il est aussi important de réfléchir à d'autres points comme l’interface de communication entre le client et le livreur, le suivi de la commande et la réception de la livraison.
Pour le moment, les opérations au sein des dark stores restent très manuelles, les employés disposent sur les avant-bras d’un PDA (Personal Digital Assistant, littéralement assistant numérique personnel) pour scanner rapidement les produits.
À l'avenir, il faudra sans doute repenser le picking des produits dans les entrepôts. Il existe déjà quelques solutions telles que :
Une petite révolution pour la logistique urbaine qui est due à trois choses :
Aujourd’hui le créneau de la fast delivery explose et c’est en partie grâce au modèle du darkstore. Preuve en est le nombre croissant d'acteurs européens qui s'installent et en France depuis quelques mois.
Selon Baudouin de La Patelliere, Hub lead chez Cajoo pour sortir du lot il faut trois choses simples :
Évidemment, il est important de se différencier avec un bon positionnement prix et de bonnes références, mais l'un des piliers du quick commerce est sans doute la fidélité des clients à la marque.
Aujourd'hui, les clients possèdent un large éventail de choix parmi lesquels ils préfèrent un produit à un autre et ne sont pas nécessairement attachés à une seule et unique marque.
Aujourd’hui se livre une bataille sanglante à coups de code promo pour acquérir de nouveaux clients. Si la marque est efficace, rapide et transparente, ils auront tendance à être plus fidèles.
En plus du temps de livraison, une autre promesse peut être proposée comme celle de l’emballage des produits.
La tendance sustainable est clairement marquée : selon une étude OpinionWay, 25% des consommateurs ont déjà renoncé à acheter un produit, car son emballage n’était pas recyclable.
Les dark stores vont bientôt devoir trouver le bon compromis entre la réduction des emballages, la conversation et la livraison des produits, notamment pour les produits frais ou surgelés.
Lorsque l'on parle du quick commerce, certains se demandent s'ils pourraient remplacer l'épicier du coin de la rue. Actuellement, le quick commerce ne couvre que certains besoins très spécifiques : un ingrédient manquant pour un gâteau, un invité qui débarque à l'improviste, des toilettes bouchées, une journée de travail plus longue que prévu.
On le sait, dans les grandes villes françaises : le temps est précieux. Faire les courses est plus une corvée qu'un plaisir mais les consommateurs souhaitent tout de même découvrir de nouveaux produits, et cuisiner !
"Nous avons pour vocation de nous substituer à la grande distribution", indique Pierre Guionin, General Manager de Gorillas, quand Arthur-Louis Jacquier, General Manager de Dija se voit "comme un distributeur moderne et engagé".
Mais, en face la grande distribution ne semble pourtant pas baisser les armes : certaines enseignes françaises, qui possèdent un maillage très fin du territoire, sont depuis quelques mois partenaires avec les plateformes de livraison comme Uber Eats et Deliveroo.
Carrefour s’est même offert les services de la pépite française Cajoo en entrant dans le capital de cette dernière avec un investissement de 40M d’€.
L’intérêt de la startup dans le deal ? La centrale d'achat de Carrefour, lui ouvre l'accès à des dizaines de milliers de références à bas prix, alors qu'elle devait jusque-là négocier directement avec les fournisseurs.
Cajoo s'appuie également sur cette grande enseigne pour accéder à son expertise dans le choix de ses assortiments, en disposant de toute la data nécessaire pour déterminer quelles sont les références privilégiées en fonction des zones de chalandises.
Mais Cajoo reste une entreprise indépendante de Carrefour : son offre de livraison ne sera pas proposée sur le site e-commerce du distributeur.
Le fonctionnement avec des dark stores par le quick commerce possède de réels avantages. Côté entreprise : des frais de personnel réduits, une absence d'intermédiaire dans la relation avec les fournisseurs, une meilleure gestion des stocks, de la chaîne et donc de l'expérience client. Sans oublier, la couche technologique qui permet d'optimiser les process ou d'anticiper les demandes des consommateurs.
Côté clients, la rapidité et surtout la disponibilité quasi instantanée des produits sont un vrai plus. Ils sont assurés de recevoir leurs articles au moment opportun.
Malgré cela, se pose tout de même la question de la réalité de l'utilité de la livraison pour finalement si peu, dans un contexte de prise de conscience et de lutte contre la surconsommation.
"La France compte énormément d’acteurs de la distribution généraliste très puissants par rapport au nombre d’habitants, et c’est le pays occidental où l’e-commerce alimentaire est le plus développé, avec la présence de drives dans tous les départements"- Paul Lê, CEO La Belle Vie.
Dans les prochains mois, le quick commerce devra faire face à d’autres défis: la difficulté de grossir en dehors des très grandes villes, l'augmentation des prix immobiliers, la perturbation de la chaîne d'approvisionnement, l'automatisation (qui entraîne des coûts supplémentaires ponctuels) ou encore la maintenance de cette automatisation, qui nécessite une collaboration avec des sociétés de gestion à plein temps.
Sans oublier la très forte concurrence qui conduit à faire baisser les prix, notamment des livraisons.
Pour perdurer ces startups devront réussir à se différencier ou trouver un modèle économique viable difficile à atteindre. À l’image, il y a quelques années, du business des trottinettes électriques en libre accès qui ont vu se battre bon nombre de concurrents pour au final être régulé par les villes.
Selon Paul Lê, fondateur de l'app La Belle Vie, beaucoup trop d’acteurs se lancent dans cette guerre du quick store mais très peu trouveront une fin heureuse.
L'avenir dira lesquels !